Le prix Claude Arrieu, le dernier soleil de la saison
Le prix Claude Arrieu, remis en juillet à Farnaz Modarresifar, est encore mal connu de la communauté Comité du Cœur. Pourtant, c’est l’héritage d’une grande compositrice qui a légué ses droits d’auteur au Comité du Cœur pour récompenser tous les deux ans une jeune compositrice ou un jeune compositeur en sa mémoire. Portrait de celle sans qui tout cela ne serait possible.
Chaque année, au printemps, les portes de la commission musique classique contemporaine de la Sacem se referment derrière les commissaires. Ils délibèrent alors dans le plus grand secret sur le nom du ou de la futur·e lauréat·e du Prix Claude Arrieu. Ils sont mandatés par le Comité du Cœur sous l’œil bienveillant de notre Vice-Président, Claude Lemesle. Mais qui est cette grande dame à qui l’on doit ce magnifique prix ? Et que souhaitait-elle transmettre à travers cette récompense portant son nom ?
Une grande compositrice et musicienne
Claude Arrieu, de son vrai nom Louise-Marie Simon, était une femme hors du commun, une passionnée, une virtuose. Elle a commencé à composer à l’âge de 6 ans dans un registre classique et contemporain, tout en reliant son amour de la musique à celui de la poésie.
Elle était une grande femme de cœur et savait ce que l’exclusion voulait dire, elle qui a dû quitter le service des programmes de la Radiodiffusion française en juillet 1941 lors de l’application du second statut sur les Juifs. Elle œuvrait dans ce temple de la musique comme metteuse en onde.
Qu’importe, Claude Arrieu continue à composer des musiques dans différents styles pour différents médias et son succès sera à l’image des prix qu’elle a reçus tout au long de sa vie :
- 1932, Premier Prix de composition ;
- 1938, Prix Mesureur de la Sacem ;
- 1949, Prix Italia de la Rai pour Frédéric Général ;
- 1958, Prix Joubert ;
- 1961, Prix Enoch.
Personne ne pourrait mieux résumer qui était cette femme sensible, déterminée, au cœur immense que son collègue et ami, l’écrivain et compositeur Pierre Schaeffer : « Claude Arrieu est bien de son époque par une vertu de présence, un instinct d’efficacité, une audacieuse fidélité, témoigne-t-il. Qu’importe les moyens, concertos ou chansons, les publics, l’élite des concerts ou la foule des spectateurs, pourvu que l’émotion au travers d’une technique impeccable et dans une spirituelle vigilance, trouve le chemin du cœur. »
Un geste fort
Le 29 octobre 1986, elle rédige son testament dans lequel elle institue le Comité du cœur, dont elle est membre, en tant que légataire particulier de ses droits d’auteur. Parmi ses dernières volontés, elle demande la création d’un prix portant son nom distinguant un jeune compositeur ou une jeune compositrice de musique symphonique.
C’est avec cette ligne directrice que les membres de la commission se réunissent pour discuter puis désigner l’heureuse ou l’heureux élu·e de l’année. De nombreuses compositrices et de nombreux compositeurs dont les techniques et les créations « trouvent le chemin du cœur » ont ainsi pu recevoir ce prix lors de leur prestation dans un festival estival.
Le premier fut Denis Dufour en 1993, et cet été 2024, c’est la jeune Franco-Iranienne Farnaz Modarresifar qui a été récompensée lors du festival d’Aix en Provence. Entre ces deux dates, on peut noter les noms de Nicolas Bacri, François Narboni ou Sophie Lacaze, première femme primée en 2010… Notre page consacrée au Prix Claude Arrieu détaille ces nombreux profils, aussi variés que talentueux !
L’histoire de Claude Arrieu est une belle histoire, inspirante autant par sa carrière que par la femme humaniste qu’elle a été. Elle vient joindre celles d’autres donateurs et donatrices comme Michaële, Francis Baxter ou Louis Ganne qui, par leur legs, permettent non seulement à des autrices, des auteurs membres de la Sacem de retrouver une lumière d’espoir dans des saisons froides, mais aussi de faire du Comité du cœur un espace de fête avec les remises de prix soit lors de l’Assemblée générale, soit dans un festival.
L’entraide ne se fait pas que du vivant des donateurs et donatrices, faire un legs qui traverse le temps permet de relier le passé et le présent, des mémoires et des combats.
En savoir plus sur les donations et legs
Anne Dorr, autrice-réalisatrice, administratrice du Comité du cœur