Donner, recevoir, rendre, par l’anthropologue Jean-Edouard Grésy
Qu’est-ce que cela veut dire exactement donner ? …Ou plutôt, qu’est-ce que cela implique ?
Et recevoir, est-ce si facile ? …Ou plutôt, comment réagir ensuite face à ce don ?
Et que se passe-t-il ensuite ? …Ou plutôt que devrait-il se passer ?
Nous nous sommes posé la question de l’importance de cette triangulaire et des rôles de chacun et chacune dans cette relation. Donner ! Voilà notre engagement à toutes et tous au Comité du Cœur, dès le jour où nous adhérons. Donner ce que l’on peut comme on peut ! Mais ensuite ? Allons plus loin !
Pour Jean-Edouard Grésy, qui se fait le messager du père de l’ethnologie scientifique française, Marcel Mauss, qui dévoile en 1925 cette « triple obligation » comme un « fait social total », constitutif de notre humanité.
Parce que, oui, ce qui nous constitue avant tout, avant toute autre chose, c’est le lien social, cette relation humaine qui se partage avec le cœur. Mais Jean-Edouard nous trouble en nous expliquant que ce mouvement est intrinsèquement lié et qu’en fait donner, c’est recevoir ! Mais quoi ?
Donner : ce geste doit être fait de façon inconditionnelle avec le cœur, sans attente en retour, précise-t-il. Dans un contrat, il y a un marché, des conditions ; dans le don, il n’y a aucune contrepartie immédiate ni quantification car le lien importe plus que le bien, que l’objet de l’échange.
Recevoir : pour nombre d’entre-nous, ce geste de recevoir peut être quelque chose de difficile parce qu’il nous met en dette. Prendre conscience de cela ramène celui qui donne à l’humilité. Donner, c’est aussi recevoir la dette de l’autre avec amour, c’est recevoir la joie que ce mouvement va continuer au-delà de nous. Alors, pour se libérer de cette dette, en faire quelque chose, le troisième mouvement est indispensable et c’est lui qui crée la solidarité, le vivre ensemble, le bonheur dont nous avons, je le rappelle, constitutionnellement besoin.
Rendre : rendre, à celui qui nous a donné ou, encore mieux, à un tiers dans une chaîne de solidarité. Rendre, c’est donner à son tour, une forme de résilience quand on sort de grandes difficultés. C’est se souvenir, poser une reconnaissance pour qu’un jour, ce mouvement en trois temps continue et tourne de sorte que l’entraide, la solidarité se propage.
C’est pour cela que Jean-Edouard a été plus loin. Avec le sociologue Alain Caillé, il a rajouté en premier mouvement, demander. Oser demander sans se sentir humilié, oser exprimer sa vulnérabilité, oser demander parce que l’on sait qu’ensuite cette triangulaire va se mettre en place en toute justesse. En posant ces mots avec une grande simplicité, en mettant en valeur le sens de la gratuité, Jean-Edouard Grésy a transporté l’auditoire composé de donatrices et de donateurs et de receveuses et de receveurs.
S’il a fait allusion aux cigales artistes que nous sommes mais aussi aux fourmis grâce aux contributions et au travail du Comité du cœur, on peut dire, qu’on n’entendait plus une mouche voler. Jean-Edouard a plus d’une casquette sur sa tête, disions-nous au début de cet article, il est des nôtres. Il est aussi auteur entre autres de BD dont celle qui a attiré notre attention au Comité du Cœur : Donner, c’est recevoir.
Dans cet ouvrage illustré par Salvatore Porcaro, deux frères que tout opposait et qui se détestaient vont être amenés par la vie à se rapprocher et à recréer des liens de survie ensemble ; ce qui les amènera à découvrir avec un autre regard le monde de l’autre, la solidarité, le bonheur et, ce qui est plus fort que tout, l’amour.
À la fin du déjeuner ce vendredi 26 avril, chaque membre présent a pu repartir avec un exemplaire de la BD offerte par les éditions Glénat et pour les plus chanceux, dédicacée par Jean-Edouard.
Merci Jean-Edouard de nous rappeler que chaque geste que nous faisons a bien son lot de conséquences et que ce sont elles qui édifient notre humanité. Nous avons le choix de nos gestes.
Anne Dorr, autrice-réalisatrice, administratrice du Comité du cœur.